La pression pour rendre nos achats plus durables ne cesse de croître — réglementations, attentes des clients, contraintes de coût et, au fond, un sens du devoir envers la planète. Pour moi, intégrer la circularité matérielle dans les achats d'équipements électriques industriels n'est pas seulement un slogan : c'est une méthode concrète qui réduit les impacts environnementaux tout en améliorant la résilience et la maîtrise des coûts sur le long terme. Voici comment j'aborde ce sujet au quotidien, avec des conseils applicables pour les responsables achats, ingénieurs et décideurs.
Pourquoi la circularité doit entrer dès l'appel d'offres
Trop souvent, la circularité est évoquée après l'achat — quand on se demande que faire des panneaux, variateurs ou armoires en fin de vie. Or, les décisions majeures se prennent en amont : choix des matériaux, modularité, possibilité de réparation, disponibilité des pièces détachées. Inscrire des exigences de circularité dès l'appel d'offres permet de transformer ces principes en critères mesurables et contractuels.
Principes pragmatiques à intégrer dans vos cahiers des charges
Je recommande d'aligner le cahier des charges sur quelques principes simples et audités :
- Réparabilité : exigence de documentation technique, disponibilité des pièces pendant un nombre minimal d'années (par ex. 10 ans).
- Modularité : possibilité de remplacer des modules (alimentation, cartes I/O, interfaces) sans changer l'ensemble.
- Réemploi et remanufacturing : préférer des équipements reconditionnés certifiés quand c'est pertinent.
- Traçabilité des matériaux : identification des composants critiques (cuivre, terres rares) et pourcentage de matériaux recyclés.
- Fin de vie : modalités de reprise, responsabilité élargie du producteur (REP) ou filières partenaires pour recyclage.
Rédiger des clauses RFP efficaces (exemples concrets)
Transformer ces principes en clauses claires évite les interprétations. Quelques formulations que j'utilise :
- "Le fournisseur garantit la disponibilité des pièces de rechange critiques pendant X ans et s'engage à fournir un stock minimal ou un service de réparation sur site."
- "Les équipements doivent être conçus en modules interchangeables, documentés par des schémas de maintenance et instructions de démontage."
- "Le fournisseur propose une option de reprise en fin de vie avec preuve de recyclage ou remanufacturing, avec taux de récupération cible ≥ Y%."
- "Le dossier technique doit inclure la liste des matériaux, leur pourcentage recyclé et tout traitement de surface susceptible de gêner le recyclage."
Sélection des fournisseurs : ce que je cherche au-delà du prix
Le prix d'achat initial est souvent surpondéré. Pour évaluer la circularité, j'analyse :
- La politique de maintenance et de pièces : contrats de service, SLAs, délais de fourniture.
- Les retours terrain : cas concrets de remanufacturing, taux de panne, durée moyenne de vie.
- La transparence sur la chaîne d'approvisionnement : audits, certifications (ISO 14001, ISO 9001) et labels liés à l'économie circulaire.
- Les partenariats pour le recyclage : existe-t-il des filières locales/sectorielles ou des programmes fabricants ?
Exemples de bonnes pratiques produit
J'aime citer des exemples concrets pour sortir de l'abstrait :
- Variateurs de fréquence modulaires (exemple : familles de produits Siemens SINAMICS) où seules quelques cartes sont remplacées au lieu de l'unité entière.
- Armoires électriques conçues pour un démontage facilité, avec vis et fixations normalisées et absence d'enrobage collant rendant le recyclage difficile.
- Capteurs IoT dont les capsules sont remplaçables et les piles remplaçables plutôt que soudées.
Organiser le retour et la réutilisation en interne
La circularité ne se limite pas au fournisseur : il faut des processus internes. Mes recommandations opérationnelles :
- Inventorier les équipements avec état, date d'installation, et criticité — un GMAO bien paramétré est essentiel.
- Mettre en place une zone de réception pour équipements retirés, inspection, tri et décision : réparer, reconditionner, recycler.
- Créer des partenariats avec des ateliers de reconditionnement locaux pour les modules courants.
Mesurer la performance : KPIs simples et efficaces
Sans indicateurs, difficile d'améliorer. Voici ceux que je suis régulièrement :
- Taux de réemploi (%) : proportion d'équipements réparés/réemployés vs mis au rebut.
- Taux de disponibilité des pièces : % de pièces critiques disponibles sous X jours.
- Impact CO2 évité (tonnes/an) grâce au réemploi vs achat neuf.
- Coût total de possession (TCO) sur 10 ans intégrant reprise et recyclage.
Tableau récapitulatif : checklist d'appel d'offres
| Critère | Exigence minimale |
|---|---|
| Disponibilité des pièces | 10 ans pour pièces critiques |
| Modularité | Design modulaire avec docs de remplacement |
| Reprise fin de vie | Option de reprise ou filière certifiée |
| Matériaux recyclés | % recyclé indiqué, objectif ≥ 20% |
Cas pratique (terrain)
Sur un site où j'ai piloté le renouvellement d'armoires de puissance, nous avons fait le choix d'une solution modulaire, complétée par un contrat de maintenance incluant la réparation sur place et la mise à disposition d'un stock tampon de cartes. Résultat : réduction de 35% du coût de possession sur 7 ans et diminution significative des déchets envoyés en filière. Le fournisseur a même proposé un contrat de reprise, nous assurant une traçabilité du recyclage des tôles et des composants électroniques.
Risques et pièges à éviter
Quelques erreurs que j'ai observées et que je m'efforce d'éviter :
- Se contenter d'exigences vagues : "éco-conçu" sans preuves ni KPIs.
- Penser que le reconditionné est toujours moins fiable : il faut des certifications et garanties.
- Ignorer la cybersécurité lors du réemploi d'équipements connectés — la remise à zéro et la mise à jour logicielle sont indispensables.
Intégrer la circularité matérielle est un processus itératif. En tant qu'acheteur ou ingénieur, vous avez la capacité d'influencer le cycle de vie des équipements : rédiger des RFP solides, sélectionner des partenaires engagés et construire des processus internes de réemploi. Sur https://www.bioelec.ch, je partage régulièrement des retours d'expérience et des gabarits de clauses RFP que vous pouvez adapter à vos besoins — et je suis toujours curieuse de connaître vos propres réussites et obstacles sur ce terrain.